Le décrochage scolaire: peut on le prévenir?
Égide Royer, Directeur
Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire
La réussite scolaire au Québec: quelques chiffres
En 1997-1998, la probabilité d'abandon au secondaire est de 33,8% (un jeune sur trois n'obtiendra pas un des diplômes d'études du secondaire au secteur des jeunes). Ce taux atteint 41 % chez les garçons. Parmi les élèves du collégial qui sortent de la formation préuniversitaire à la fin de 1996-1997, 37,6% seulement obtiennent un DEC dans le temps voulu, soit deux ans ou moins (le pourcentage de réussite, après cinq ans ou moins, selon le même type de formation initiale, est de 67,1 %). En formation technique, le taux d'obtention du diplôme dans le temps prévu est de 24,3 % (le pourcentage de réussite, après cinq ans ou moins, selon le même type de formation initiale, est de 45,0%).
Les perspectives d'intervention: ce que nous disent les pratiques exemplaires
- Les écoles exemplaires ont réalisé qu'une intervention unique ne peut répondre aux besoins de l'ensemble des élèves. Elles fournissent donc un éventail le plus large possible de services de manière à permettre des interventions appropriées aux besoins individuels des élèves.
- Les écoles exemplaires valorisent un partenariat entre l'école, le monde du travail et les organismes communautaires.
- Les écoles exemplaires sont maîtres d'oeuvre des interventions faites en coopération avec d'autres organismes afin d'en favoriser la cohésion. Elles deviennent la plaque tournante des services offerts aux jeunes et à leur famille.
- Les écoles exemplaires cherchent à déceler et à aider les élèves à risque le plus rapidement possible, préférablement dès le préscolaire. Elles prêtent une attention particulière aux retards de développement, aux retards d'apprentissage et aux problèmes de comportement connus par les jeunes et se préoccupent du redoublement et de l'absentéisme.
- Les difficultés scolaires étant au coeur de l'expérience de la majorité des jeunes à risque, les écoles exemplaires centrent leur intervention sur l'aspect scolaire et plus particulièrement sur l'acquisition d'habilités de base, en privilégiant la lecture.
- Les écoles exemplaires croient au moyen terme et au long terme. Les interventions commencent très tôt, s'inspirent d'une approche globale et sont appliquées pendant plusieurs années.
- Dans les écoles exemplaires, un programme de prévention n'est pas le fait d'une seule personne. Il s'agit d'un travail d'équipe entre la direction, les enseignants, les élèves, le personnel non enseignant, les parents et les organismes de la communauté.
- Dans une école exemplaire, la participation des parents est essentielle à la réussite scolaire. Elle est facilitée et valorisée. Les écoles exemplaires communiquent des attentes élevées aux jeunes et les aident à les atteindre.
En conclusion, améliorer la réussite scolaire :
- c'est intervenir selon un plan d'ensemble; c'est faire reposer ses actions sur les connaissances que nous possédons concernant les écoles et les programmes exemplaires;
- c'est plus qu'une simple question d'argent ; ajouter des ressources financières est une action nécessaire mais non suffisante;
- c'est d'abord une question de qualité d'enseignement: qualité de la formation initiale et continue des enseignants et qualité de l'enseignement offert aux élèves;
- c'est communiquer des attentes élevées aux jeunes: «Je crois que tu vas réussir et je vais t'y aider... »;
- c'est fondamentalement une question de leadership dans l'école et la communauté, particulièrement celui de la direction de l'école;
- améliorer la réussite scolaire, cela doit enfin continuer à être une des préoccupations prioritaires de nos élus. Les indicateurs de réussite doivent être pour eux aussi importants que les indicateurs économiques. Les élus doivent appuyer une augmentation des attentes quant à la réussite scolaire de tous les jeunes et être au coeur des discussions sur les mesures nécessaires pour favoriser la réussite scolaire.
Cette citation de Galbraith est probablement pertinente autant pour les décideurs que pour les éducateurs :
« L'existence sociale, (...) est un processus. Lorsqu'un de ses problèmes est résolu, d'autres émergent, provenant souvent des solutions que nous avions précédemment trouvées et implantées. Notre habitude est évidemment de demander des solutions. La meilleure ne sera, le plus souvent, qu'une réussite temporaire, bien que personne ne doive minimiser l'importance d'une réussite. Ce qui importe cependant, c'est de porter notre attention et de réfléchir sur la manière que nous utilisons pour composer avec le flux de problèmes qui, comme les vagues sur la plage, vont continuer à venir... » Galbraith, J.K. (1976), The Age o f Uncertainty, p.324-325
Nous avions au Québec un problème d'accessibilité aux études auquel nous avons apporté des solutions. Notre défi a maintenant trait à la réussite scolaire. La « manière » que nous utiliserons doit reposer entre autres sur la recherche (et les pratiques exemplaires qui en actualisent les conclusions), le leadership des directions d'école et la qualité de l'enseignement.
Pour informations supplémentaires :
Égide Royer
Directeur
Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire
Faculté des sciences de l'éducation
Bureau 1250
Université Laval
Sainte-Foy (Québec)
G1K 7P4
egide.royer@fse.ulaval.ca
Tirée de: Le bulletin du Conseil québécois de la recherche sociale: Volume 7, numéro 1, mars 2000