Pourquoi les adolescents fument-ils ?

Éditorial : Annales RCPSC, Vol. 33, numéro 2, mars 2000

Il s'agit là d'un important sujet de santé publique et, si nous connaissions la réponse, il serait possible d'imaginer des moyens d'empêcher les adolescents de commencer à fumer. Amener les adolescents à ne pas fumer n'aurait sans doute pas un impact sur le taux de mortalité qu'ont eu les vaccins, des aliments sains et une eau de boisson propre, mais ce pourrait être une amélioration importante. Il y a de bonnes raisons de croire que celui qui n’est pas dépendant du tabac à 20 ans a moins de chances de le devenir plus tard. Par conséquent, les adolescents et les grands enfants sont ceux pour qui il faudrait imaginer des campagnes anti-tabac. Mais quelles sortes de programmes ? Augmenter le prix des cigarettes est-il efficace ? Que penser des images de lésions cancéreuses sur les emballages ?

I1 y eu des études sur l'efficacité des programmes anti-tabac. On sait qu'ils fonctionnent pendant de courtes périodes et dans certains collectivités et chez certains enfants. Si ces interventions avaient un effet à long terme, je pense que les autorités sanitaires de tous les pays industrialisés y auraient déjà eu recours. On sait avec certitude que les enfants dont les parents forment sont plus susceptibles de devenir dépendants du tabac. Certaines études récentes montrent que les femmes qui fument ont génétiquement plus tendance à faire un cancer du poumon que les hommes, mais il est peu probable que ces études auront un impact significatif sur le tabagisme des filles ; en fait, elles pourraient laisser croire aux garçons qu'il n'y a pas de risque à fumer.

J'ai l'impression que les adolescents commencent à fumer parce qu'il est chic de fumer. Et il est chic de fumer parce que les idoles des adolescents, acteurs et actrices, fument à l'écran. Dans le Globe and Mail du 11 janvier 2000, il y avait un petit article à propos d’une étude faite par l'organisme Tobacco Control. Les acteurs et les actrices interrogés pensent que, parmi les valeurs que préconise la cigarette, il faut mentionner le caractère sexy et élégant de la cigarette, la ténacité, le flegme et l'esprit de révolte qu'elle représente.

Ce n'est qu'une impression, mais je pense que le cinéma et la télévision ont un rôle significatif à jouer dans la lutte contre le tabac. Il faudrait faire des études sur les raisons pour lesquelles les jeunes fument. Et les gouvernements, avant de mettre en vigueur des mesures, devraient s'appuyer sur ces études pour être sûrs que les mesures proposées vont être efficaces.

William Feldman

Annales RCPSC, Vol.33, numéro 4, juin 2000

À l’Éditeur:

Après avoir lu l’éditorial dans les Annales de mars 2000, je me demande pourquoi on ne voit pas la réponse à la question ‘‘ Pourquoi les adolescents fument-ils?’’ La fumée nous empêche t-elle de voir?

La Nicotine est une substance qui crée une dépendance. Elle cause une tolérance, une dépendance physiologique, et des symptômes de sevrage. La dépendance est un problème du système nerveux central (DSM IV), et non pas seulement un problème de comportement. La nicotine cause des comportements auto-renforcés, et procure une grande satisfaction. Dans le cerveau, elle produit la marque neurobiologique de la dépendance aux substances- un flot de dopamine dans le nucleus accumbens.

Les compagnies de tabac ont un système de livraison disponible et efficace. Donc, les compagnies de tabac sont des ‘‘ pushers’’ légaux.

Est-ce que tous les jeunes qui fument deviennent dépendants à la nicotine? Non. Mais les jeunes peuvent continuer à fumer car ils trouvent que ça les aide à se calmer. Des frustrations face à l’école ou la maison, des attentes personnelles, une faible estime de soi, une confusion sur son identité sexuelle- ce sont toutes des raisons qui poussent les jeunes à poursuivre et à accentuer l’usage de la cigarette. Ceux qui vivent l’isolement et n’ont pas d’habiletés sociales sont particulièrement vulnérables. Pour les jeunes vivant avec des conditions non diagnostiquées comme un trouble d’anxiété, une dépression mineure, une dépression bipolaire, une schizophrénie, fumer pourrait être la première manifestation de la recherche d’une drogue à s’auto-administrer à titre de médication. Fumer est un comportement reconnu comme une stratégie pour affronter les problèmes. Malheureusement, ce comportement contrôle les symptômes initiaux et masque le vrai problème. D’autres jeunes vulnérables, au prise avec des maladies chroniques, un abus physique, des abus émotionnels ou des abus sexuels essaient de résoudre leur problème, leur anxiété et leur quête d’identité par la cigarette. Les néo-canadiens affrontant leur nouvelle identité, l’acceptation et l’isolement sont à risque d’utiliser des substances pour les aider à se « connecter ».

Les jeunes apprennent `a fumer en regardant les fumeurs dans leur famille, les proches plus âgés et leurs modèles. Par contre, la plupart des jeunes peuvent prendre des décisions pour eux-mêmes. En plus, ils peuvent modifier des comportements négatifs, lorsque support et temps leur sont accordés.

Le Centre pour le Contrôle de la maladie d’Atlanta rapporte que la cigarette tue plus de gens chaque année que le Sida, l’alcool, l’abus de substances, les accidents d’automobiles, les meurtres, les suicides, et les feux, tous combinés. L’estimé des coûts médicaux directement liés au tabac est de plus de $50 billions aux E.U.

On ne devrait pas faire la promotion du choix que les jeunes font de fumer en le permettant par inadvertance ou par négligence. Il y a deux solutions efficaces. Premièrement, il faudrait investir des billions dans des programmes pour les jeunes plus vulnérables de manière à les aider à solutionner leur problèmes. Les programmes pour les jeunes abusés doivent être plus accessibles. Les programmes de gestion du stress, d’estime de soi, de développement des habilités sociales doivent être disponibles gratuitement à des sites accessibles pour tous les jeunes. Deuxièmement, les programmes efficaces doivent être basés sur des connaissances actualisées et inclure des interventions pharmacologiques, psychologiques, comportementales, familiales, éducationnelles et de support.

S.M. Lena MD, FRCPC Adolescent Medicine, Ottawa, Ont.

References

  1. Adolescents: smoking and quitting. How the physician can help. Paediatrics Child Health Adolescents Smoking 1998 March-April;3(2).
  2. Smith KH,.Stutts MA. Factors that influence adolescents to smoke. J Consumer Affairs 1999;33(2):321-57
  3. Stopping smoking before it starts: a prevention program for children and youth. A Canadian Paediatric Society initiative in preparation, June 1999.