Adapté de :
Charbonneau L. MD, FRCPC, Baltzer F. MD, Quiros E. MD, FRCSC.
Depo Provera : A Contraceptive Alternative For Adolescents et l’utilisation
du dépo-provera en contraception (Contrasexion vol 14, no 3, 1977)
Conférence canadienne de consensus sur la contraception. Journal SOGC 1998
Bérubé J. Le depo-provera : une alternative intéressante. Le Médecin du Québec,
mai 1998.
L’acétate de médroxy-progestérone, le dépo-prover est un agent progestatif injectable connu et utilisé comme contraceptif dans plus de soixante pays depuis plus de 30 ans. Des raisons politiques, culturelles et scientifiques ont prévenu son usage à plus large échelle en amérique du nord, jusqu’en 1992, date d’acceptation comme contraceptif par le FDA américain. Au Canada, en 1997, la direction générale de la protection de la santé (DGPS) a autorisé l'utilisation du Dépo-Provera comme contraceptif de première instance. Pour plusieurs années, les médecins ont considéré le dépo-provera comme contraceptif de choix pour les personnes présentant un handicap physique ou mental important. Dans une déclaration de principe publiée en 1993, la Société canadienne des obstétriciens-gynécologues du Canada (SOGC) recommandait l'homologation du Dépo-Provera comme contraceptif en raison de son efficacité et de ses avantages; le dépo-provera est discuté dans “ la conférence canadienne de consensus sur la contraception ”, SOGC journal 1998.
Le mode d'action du Dépo-Provera est multiple : inhibition de l'ovulation, atrophie de l'endomètre, réduction et épaississement du mucus cervical. La posologie est de 150 mg en injection intramusculaire profonde aux 12 semaines dans le deltoïde ou le muscle fessier. La première injection est donnée dans les 5 premiers jours de la menstruation, après un IVG ou accouchement (ne nuit pas à la lactation). Les injections subséquentes sont répétées aux 11 à 13 semaines, de préférence aux 12 semaines. L’effet contraceptif est atteint en 24 heures.
L’action du dépo-provera est réversible mais il y a des variations dans le retour de l’ovulation. À six mois après la dernière dose, 50% des femmes auront des menstruations régulières; 90% à deux ans. La protection offerte par ce contraceptif est de 99.7%. Une injection coûte de 32 à 45$. Une fiole multidose ouverte pour une injection peut être conservée 9 à 12 mois.
Indications contraceptivesOutre les aspects pratiques offerts par sa très grande efficacité, sa longue durée d'action, sa facilité d'administration, le fait qu'il ne dépende pas de l'acte sexuel et qu'il libère l’adolescente de la “peur d'oublier” les comprimés, les condoms, etc., le Dépo-Provera peut être envisagé dans un bon nombre de situations cliniques. On le recommande particulièrement dans les situations suivantes:
Il n’y a pas d'effet tératogénique chez le fœtus. Le risque de thrombo-embolie est surtout lié à l'effet de l'œstrogène sur les facteurs de coagulation. Des antécédants de maladie thrombo-embolique ne sont pas une contre-indication à l'utilisation du Dépo-Provera; même si le CPS le spécifie, la SOGC ne considère pas ces antécédents comme in contre-indication. Les études ne démontrent pas une augmentation du risque de cancer du sein avec l'utilisation prolongée du Dépo-Provera.
Effets bénéfiques non contraceptifsAnamnèse comprenant histoire gynécologique et sexuelle. Test de grossesse si nécessaire Examen gynécologique annuel et examen des seins. Prise de TA. Importance du counseling de la femme sur les effets secondaires et disponibilité téléphonique pour répondre à ses questions. Les raisons d'abandon de la méthode les plus fréquentes sont liées aux saignements irréguliers et à la méconnaissance des effets secondaires du produit.
Traitement des saignements irréguliersAussi, on peut utiliser des doses élevées de motrin (800 mg TID pour 5 jours ou 400 QID pour 14 jours); ceci réduit les saignements de 40%. On peut aussi utiliser les estrogènes comme la prémarine 0.625 à 1.25 mg pour 7 à 21 jours.
Les injections en retardIl se peut que l’adolescente ne soit pas au rendez-vous pour une injection. L’injection est valable pour 13 semaines. Si l’adolescente se présente après 14 semaines et n’a pas eu de relation sexuelle depuis la quatorzième semaine, on peut donner le dépo-provera. Elle devrait attendre 7 jours pour s’assurer de son efficacité et on pourrait faire un test de grossesse après 3 semaines.
Si l’adolescente a eu des relations sexuelles après la quatorzième semaine, un test de grossesse est fait; on offre la pilule du lendemain au besoin; on répète le test de grossesse après 3 semaines; s’il est négatif, on injecte le dépo-provera et on contrôle le test de grossesse 3 semaines plus tard.
Depuis plusieurs années, les intervenants qui travaillent exclusivement auprès de clientèles adolescentes s'intéressent au Dépo-Provera. Confrontées tous les jours avec des jeunes adolescentes enceintes, il nous est apparu urgent de pouvoir offrir à certaines d'entre elles, une autre méthode que la contraception orale ou une méthode barrière tout en n'excluant pas, comme il se doit, nos exhortations à la double protection.
MéthodesÀ la Clinique des jeunes Saint-Denis, entre 1993 et février 1996 une cinquantaine d’adolescentes avaient choisi le Dépo-Provera. Dans le but de mieux en évaluer les effets et de pouvoir les expliquer de façon adéquate, nous avons fait appel à l'expérience de la Clinique des Adolescents de l'Hôpital de Montréal pour Enfants qui, à la même période, avait administré le produit à une centaine d'adolescentes.
Une revue des dossiers de 151 adolescentes de 14 à 19 ans ayant fréquenté ces deux cliniques, nous a permis de dégager certains aspects intéressants et de les comparer à d'autres études récentes. Cette revue ne présente pas une méthodologie rigoureuse étant donné qu'elle n'avait pas été prévue comme telle. Les données recueillies n'ont aucune autre prétention que de servir de guide d'information aux praticiens qui désirent se familiariser avec la méthode.
L'âge moyen des adolescentes ayant reçu le Dépo-Provera était de 16,7 ans. Quarante huit (31%) n'avaient jamais été enceintes, 63 (41%) avaient eu une grossesse (dont 48 une IVG) et 40 (26%) avaient eu entre 2 et 4 grossesses. Soulignons que le produit n'étant pas accepté par la DGPS à cette époque, nous l'offrions surtout en deuxième ligne, généralement après une ou plusieurs grossesses quand il nous apparaissait improbable que l'adolescente soit fidèle à une autre méthode.
Le tableau suivant indique les raisons du choix de cette méthode. Plus d'une raison pouvait être invoquée:Grossesse | 93(50%) |
Non compliance | 61 (30%) |
Effets secondaires aux anovulants | 19 (10%) |
Retard mental | 9 (5%) |
Confidentialité | 6 |
Contre-indication absolue aux anovulants | 1 |
Lors de la revue des dossiers en février 96, 60 (40%) adolescentes utilisaient toujours la méthode. Il convient de souligner qu'avec une meilleure connaissance du produit, nous avions tendance à le proposer plus volontiers dans la dernière année, ce qui explique que le nombre moyen d'injections reçues était de 2.6 seulement et qu'un très petit nombre d’adolescentes avait atteint 6 injections.
Les raisons qui ont suscité l'abandon de la méthode sont les suivantes:
Saignements irréguliers | 28 (35%) |
Gain de poids | 15 (14%) |
Autres effets secondaires* | 13 (12%) |
Aucun besoin contraceptif | 12 (11%) |
Certaines adolescentes exprimaient plus d'une raison et aucune n'a été retrouvée dans 37 dossiers (35%), ces patientes ne s'étant pas présentées pour renouveler l'injection.
Quelques patientes ont aussi cessé la méthode parce qu'elles désiraient une grossesse, par peur du produit et aussi chez cette clientèle très jeune et souvent multi-ethnique, par crainte que les parents s'inquiètent de l'aménorrhée éventuelle.
Dans 47 dossiers, des éléments de satisfaction par rapport à cette méthode étaient notés. En effet, la plupart apprécient la facilité d'utilisation et l'aménorrhée lorsqu'elle leur a été bien expliquée. Cependant, cette satisfaction ne se traduit pas nécessairement par une bonne compliance.
DiscussionLes deux éléments dissuasifs qui ressortaient de notre expérience étaient liés à la non-reconnaissance du produit comme contraceptif et au choix des patientes à qui nous le proposions.
Des raisons d'ordre politique, social et culturel ont nui à l'acceptation d'un produit reconnu comme d'une très grande efficacité, peu coûteux et facile d'emploi. Il a été difficile pour nos patientes de trouver une autre clinique qui acceptait de leur offrir ce suivi, ce qui ajoutait à la méfiance que beaucoup d'entre elles exprimaient par rapport à la contraception en général. En effet, il s'agissait d'adolescentes ayant pour la plupart vécu une ou plusieurs grossesses, incapables d'avaler des pilules ou de s'astreindre à des gestes préventifs.
Le Dépo-Provera présente aussi des effets secondaires qui ont une influence sur la vie quotidienne des femmes, leur vie sexuelle, leurs croyances et leurs peurs. Elles ont toutes entendu dire qu'un saignement irrégulier peut être un indice de cancer, que l'absence de saignement signe inévitablement une grossesse ou l'accumulation de “poisons” à l'intérieur du corps. Les relations sexuelles pendant un saignement sont inacceptables pour beaucoup de femmes et même interdites dans certaines religions.
Les intervenants doivent donc se sentir eux-mêmes à l'aise avec tous ces aspects de la méthode et prévoir du temps de counseling à chaque visite s'il le faut.
Dans notre revue, la moitié des adolescentes ont abandonné la méthode à cause des saignements irréguliers sans compter celles qui n'ont pu être retracées. Ceci se compare à l'étude de Siqueira auprès de 194 adolescentes; après un an, 44% poursuivaient la méthode et 25% après deux ans. La ajorité avaient cessé à cause des saignements irréguliers. Dans l'étude de Harel, chez les 35 adolescentes qui on cessé le Dépo-Provera, 60% ont aussi invoqué les saignements irréguliers.
Qu'il s'agisse de saignements prolongés, irréguliers ou d'aménorrhée, ces effets affectent particulièrement les adolescentes et elles sont presque toujours réticientes à utiliser une autre méthode hormonale pour corriger la situation, que ce soit un cycle d'anovulants, des oestrogènes conjugués (1,25mg X 14 jours) ou l'œstrogène par voie trans-dermique.
Nous avions prévu que le gain de poids serait la cause la plus fréquente de l'abandon de la méthode, comme dans l'étude de Harel. Pourtant, elle n'a été invoquée que 14% de nos adolescentes. Le counseling à ce sujet est extrêmement important parce qu'une prise de poids survient fréquemment et peut être de l'ordre de 4 à 6 kg, mais elle peut être contrôlée par des habitudes alimentaires adéquates.
La fidélité à la contraception, quelque soit la méthode, se révèle toujours très aléatoire chez les adolescentes. Nous l'avons constaté avec plus du tiers de nos patientes qui ne sont pas présentées pour les injections subséquentes. Lors d'une conférence de la Société Nord-Américaine de Gynécologie pédiatrique et adolescente (NASPAG) en avril 1997, les conférenciers ont présenté des études comparatives d'utilisation des implants contraceptifs, du Dépo-Provera et des anovulants. Chez les adolescentes, les implants ont connu un meilleur taux de succès quant à la durée de rétention. Cependant, ces adolescentes étaient en moyenne plus âgées, déjà mères; elles avaient déjà utilisé des anovulants, présentaient un meilleur profil de compliance et un taux moins élevé de grossesses répétées. Ces adolescentes ont aussi eu accès à du counseling et des suivis très serrés. Celles qui ont reçu du Dépo-Provera ont démontré une fidélité au traitement comparable à notre série, un grand nombre ne s'étant tout simplement pas présentées pour les injections subséquentes.
Le retour à la fertilité est lent avec le Dépo-Provera et nous avons eu tendance à ne pas trop insister lorsqu'une patiente retardait l'injection suivante de quelques jours ou même quelques semaines. Nous y voyions une période de “grâce” qui permettait de diminuer légèrement les contraintes. Cependant, une de nos patientes est devenue enceinte après un retard de seulement 14 jours ce qui nous incite à suivre l'avis de Guillebaud qui ne permet pas un retard de plus d’une semaine, après quoi, il propose une pilule du lendemain s'il y a eu relation sexuelle non protégée.
Un test de grossesse n'est pas requis systématiquement lorsque la patiente n'est pas en retard dans ses injections. Il est important que l'adolescente se sente en sécurité avec la méthode qu'elle a choisie et que l'intervenant lui reflète cette attitude positive.
ConclusionDans cette revue de dossiers, le Dépo-Provera a offert 1236 mois (103 ans!) de protection contraceptive à 151 adolescentes de 14 à 19 ans. La majorité de ces adolescentes avaient été enceintes et ce sont celles qui offrent le plus de résistance à la contraception parce qu'elles vivent souvent de l'ambivalence face à la grossesse. Pour celles qui ont subi un avortement à cause de la pression de leur entourage, le risque d'une nouvelle grossesse très rapprochée est élevé et il nous apparaît utile de leur offrir immédiatement après l'intervention une méthode qui leur donnera un répit de trois mois, permettant à certaines d'entre elles de faire le point.
Tous les intervenants qui travaillent avec des adolescents se rendent vite compte que les solutions aux comportements à risques élevés ne résident pas uniquement dans l'information et malgré des taux de succès peu élevés quelle que soit la solution proposée, l'important est le suivi et aussi le temps qui peut souvent se révéler un grand allié.
Le Dr. Louise Charbonneau est médecin à la clinique des jeunes St-Denis, CLSC Des Faubourgs. Le Dr. Franziska Baltzer est pédiatre, responsable du programme de l’adolescence et de gynécologie au Montreal Children’s hospital, où le Dr. Elsa Quiros est gynécologue.